Croyez-vous-en ces affirmations ?

« La betterave fait courir plus longtemps et plus vite. »

« La betterave augmente nos performances sportives ! »

« Les nitrates de betteraves, le nouveau supplément sportif par excellence. »

Nous avons probablement tous entendu ces propos, parfois au sujet de la betterave et souvent, relativement à d’autres aliments transformés en suppléments.

Est-ce véridique et appuyé de sources fiables ? Que dit la littérature scientifique à l’heure actuelle au sujet de notre bien aimée betterave ?

Son tableau nutritif :

On retrouve la betterave en plusieurs variétés et en différentes couleurs, mais plus elle est colorée, meilleur est son pouvoir antioxydant. Nous nous attarderons à celle qui est toute rouge, la plus commune.

Grâce à ses pigments dont la bétalaïne, la betterave se démarque par son grand pouvoir antioxydant. Donc, elle protège nos cellules saines des radicaux libres issus de notre environnement (aliments transformés, pollution, rayons UV, pesticides, produits chimiques, radiations, alcool, tabac, etc.). La betterave est un des rares légumes contenant des bétalaïnes, d’où l’intérêt toujours de manger varié pour une diversité d’antioxydants.

Cuits ou réduits en jus, les antioxydants de la betterave demeurent intacts et bien accessibles. On en retrouve d’ailleurs trois fois plus sur la pelure, de même que dans les feuilles ! Quoi que plus rare, il est possible de manger les pelures de la betterave, notamment, en les faisant cuire au four en guise de « chips » de légumes. Il importe de bien les laver et assécher avant de les utiliser pour diminuer le nombre de pesticides présents. Pour les feuilles, on peut les utiliser de la même manière qu’on le ferait pour les épinards et la bette à carde en les intégrant dans les sautés, les omelettes, les quiches, les smoothies, etc.

Riche en folate, en vitamine C, en potassium, en magnésium, en manganèse et bien sûr, en fibres prébiotiques, on a tout pour aimer ce légume racine, en plus d’être accessible à l’année et à faible coût.

Le folate (B9) qu’elle contient participe à la fabrication des cellules du corps, contribue entre autres à la formation des globules rouges, au métabolisme des acides aminés et participe au bon fonctionnement des système nerveux et immunitaire. Pour préserver intactes ses vitamines plus fragiles à la chaleur, une cuisson à la vapeur ou au four, en prenant soin de garder la pelure, sont des éléments à privilégier. La pelure peut être retirée facilement après la cuisson.

Son pouvoir antioxydant est bien apprécié également de notre microbiote, dû à ses composés phénoliques dont les flavonoïdes. On le sait, une consommation régulière de polyphénols contribue à augmenter la diversité microbienne. Certains types de polyphénols agissent directement sur la membrane des bactéries, notamment, sur celle des bactéries pathogènes. Ainsi, la diminution progressive de ces dernières combinée à une diversité de bactéries saines bonifie la flore intestinale, réduit graduellement l’inflammation dite de bas grade et favorise un travail adéquat de nos défenses immunitaires.

Étant riche en fibres, voire en prébiotiques, glucides destinés à nourrir nos bactéries intestinales, la betterave fait partie de cette liste d’aliments à intégrer pour la santé globale de notre microbiote, permettant à certaines familles de bactéries de produire des molécules anti-inflammatoires, molécules importantes dans la pratique du sport et ses probabilités de blessures notamment ! En contrepartie, la fermentation de ces prébiotiques peut entraîner, pour certaines personnes, quelques inconforts digestifs.

En consommer à titre de légume comporte donc déjà des effets positifs pour notre corps, qu’il soit athlétique ou pas

La betterave comporte ses enjeux de digestion

Bien que les propriétés et atouts nutritionnels de la betterave soient attrayants et tout à fait intéressants pour notre santé globale et notre microbiote, ce légume n’est pas toléré de la même manière par chacun de nous.

D’abord, la betterave contient des FODMAP (glucides fermentescibles peu absorbés par l’intestin grêle). Plus précisément, elle est riche en galactanes, un glucide faisant partie de la famille des oligosaccharides, ils sont partiellement digérés dans l’intestin grêle. Lorsqu’ils atteignent le gros intestin, ces glucides sont fermentés par nos bactéries intestinales, ce qui peut être très positif, mais également à l’origine de gaz parfois très incommodants. Les inconforts gastro-intestinaux peuvent aller du ballonnement, à la diarrhée, à la constipation, jusqu’aux reflux chez les personnes sensibles aux FODMAP. Pour bien des gens, la betterave est plutôt bien digérée lorsque consommée avec modération. Pour les personnes sensibles, les inconforts et les envies urgentes d’aller à la selle pourraient facilement nuire notamment à la qualité de vie, mais aussi, aux performances sportives associées à ce légume racine.

Les nitrates présents dans la betterave !

Les nitrates font la presse de façon négative lorsqu’ils agissent à titre d’additif alimentaire dans les aliments transformés tels que les charcuteries et certains fromages. Dans le cas des nitrates ajoutés dans les aliments par l’industrie pour inhiber la croissance bactérienne, rehausser le goût et modifier la couleur, ceux-ci sont potentiellement cancérigènes, du fait de la formation des nitrosamines. Mieux vaut les éviter !

Dans le cas des nitrates de la betterave, ils seraient plutôt valorisés du moins étudiés pour le moment. Voyons pourquoi !

Chimiquement, une fois ingérés dans l’organisme, les nitrates se transforment en monoxyde d’azote (NO). Ce monoxyde d’azote jouerait un rôle crucial dans notre corps, notamment en contexte d’activité physique.

Lorsqu’on bouge, le monoxyde d’azote est utilisé en substitution à l’oxygène afin de diminuer la demande pour celle-ci et la préserver dans le but d’améliorer les performances.

Le NO :

– contribue à la contraction des muscles squelettiques ;

– limite la fatigue musculaire causée lors de l’effort ;

– est vasculoprotecteur (augmente la résistance des petits vaisseaux sanguins ce qui permet à ceux-ci de faire circuler un plus grand volume de sang et à tolérer davantage de pression) ;

– et optimise la respiration mitochondriale (c’est-à-dire, l’ensemble des réactions qui permettent de convertir le glucose en molécules d’ATP, soit des molécules d’énergie).

Selon les recherches de l’Australian Institute of Sport (AIS) parues en 2021, les effets bénéfiques des nitrates auraient été observés chez les gens faiblement et modérément actifs de même que chez ceux qui sont un peu plus avancés, sans être compétitifs et professionnels. Le type d’activité physique concerné par ces bénéfices serait l’activité physique très intense et de courte durée (moins de 15 minutes). À noter également que la majorité des études qui ont démontré des résultats significatifs ont été menées chez des hommes majeurs. Peu d’études chez la gente féminine offrent présentement des résultats significatifs (AIS).

Toujours selon les données actuellement disponibles, les athlètes de haut niveau et experts (classés comme ayant un VO2 max supérieur à 65 ml/kg/min) ont généralement d’excellentes capacités cardiovasculaire et pulmonaire et donc, l’effet préservatif de l’oxygène induit par les nitrates aurait des effets beaucoup moins significatifs. Leur corps aurait une meilleure capacité à diriger, par lui-même, l’oxygène aux muscles qui en ont fondamentalement besoin plutôt que de la disperser vers des muscles qui en nécessitent moins.

Sports d’endurance et betterave, qu’en est-il ?

On a longtemps cru que le jus de betteraves serait bénéfique pour les sports d’endurance. Pourtant, bien que de petites améliorations puissent être observées sporadiquement, les études récentes (Bescós, R., et al., 2012) (Hlinsky, T. et al., 2020), démontrent plutôt que les avantages sont bien moins alléchants. Les sports d’endurance (tels que le marathon, la course-natation-marche-vélo longue distance) nécessitent une puissance et un niveau d’intensité moins élevé. L’enjeu ici est plutôt de maintenir l’effort sur une longue période. De ce fait, après 15 minutes d’effort, diverses raisons métaboliques font en sorte que la betterave, donc l’apport en nitrates, offrirait moins de bénéfices. Les études sont contradictoires, car d’autres proposent le contraire (Gao, C. et al., 2021).

Sports haute intensité et betterave, ce qui est documenté à ce jour !

Dans le cas de l’effort de courte durée tel que les sprints, les entraînements par intervalles haute intensité (communément appelés HIIT), les effets positifs de la betterave seraient davantage observés et applicables et ce, selon l’AIS ainsi que les travaux de (Hlinsky, T. et al., 2020).  De futures recherches nous fourniront assurément encore plus d’informations !

Que fait-on des suppléments de « betteraves » et comment les choisir ?

La multitude de suppléments sur le marché peut devenir étourdissante. D’un côté, des jus à la betterave, des gels à la betterave, des poudres de betteraves…  Les choix sont tellement abondants que parmi ceux-ci de nombreux produits non testés et non efficaces, voir même, non sécuritaires s’y retrouvent.

Selon Santé Canada, l’industrie des suppléments, contrairement à celle des produits alimentaires et pharmaceutiques, est assujettie à très peu de règlements et contrôles de la part des autorités gouvernementales. Par conséquent, les suppléments peuvent :

→ renfermer intentionnellement certaines substances interdites ;

→ être contaminés non intentionnellement par des substances interdites (par exemples, des ingrédients de base contaminés, des ingrédients de base erronés, une contamination croisée durant la fabrication) ; or être mal étiquetés.

De plus, il arrive que les fabricants de suppléments :

→ omettent d’indiquer correctement tous les ingrédients (par exemples ; falsification, omission) ;

→ omettent d’indiquer avec précision la quantité relative de chaque ingrédient par dose ;

→ font de fausses allégations (par exemple ; approuvé par l’AMA) ;

→ font de fausses allégations sur les bienfaits pour la santé de leurs produits ;

omettent d’inclure des mises en garde sur les effets de leurs produits (par exemple ; effets secondaires sur la santé).

De plus, pour reconnaître les produits homologués au Canada, on doit se référer au numéro de produit naturel (NPN) ou un numéro de remède homéopathique (DIN-HM) de huit chiffres qui figure sur l’étiquette. La présence d’un NPN ou d’un DIN-HM signifie que le produit peut être vendu légalement au Canada et qu’il est sûr et efficace lorsqu’il est utilisé conformément au mode d’emploi indiqué sur l’étiquette.

Sachant tout cela, puis-je fabriquer mon propre jus pour améliorer mes performances physiques ? C’est votre choix, mais soyez conscients que dans de telles conditions, votre jus sera plutôt une source de légumes et de glucides et non nécessairement une boisson de performance. Et assurez-vous de bien tolérer « intestinalement parlant » les galactanes qu’elle contient pour éviter les inconforts digestifs pendant l’activité sportive.

Si vous tenez absolument à intégrer du jus de betteraves malgré votre sensibilité digestive, commencez par manger de la betterave dans un contexte qui n’implique pas de l’activité physique puis, incluez la betterave à petites doses, très progressivement, afin d’évaluer votre niveau de tolérance (par exemple ; consommez un jus plus petit et/ou plus dilué ou ajoutez de la poudre de betteraves dans des boules d’énergie (essayez nos Boules d’énergie à la poudre de betteraves, raisins et cannelle disponible sur notre site web). Évidemment, dans ce type de situation, la quantité de nitrate risque d’être largement insuffisante pour induire des effets sur les performances sportives, mais cela vous permettra tranquillement d’apprivoiser la betterave.

De même, si les suppléments de betteraves et le jus semblent vous donner de l’énergie et augmenter vos performances selon votre propre expérience et vos propres statistiques, cela fonctionne peut-être pour vous, mais il est fort possible que ce ne soit pas le cas chez votre voisin. Nous sommes tous différents et nous devons faire nos choix d’aliments et de suppléments basés sur cette prémisse.

Prenez note qu’une consommation plus élevée de betteraves aura comme effet secondaire de rendre votre urine ou vos selles légèrement plus rosées. Quoique surprenant, cet effet secondaire est sans risque.

Conclusion

Si vous désirez faire une compétition sportive ou tout autre défi sportif et pensez intégrer la betterave dans votre routine, renseignez-vous auprès d’une nutritionniste formée en la matière. Plutôt que d’y aller à l’improviste, optez pour un protocole personnalisé qui vous permettra d’économiser du temps et de l’argent tout en vous permettant d’optimiser vos performances de même que votre santé.

Ce qui est clair actuellement, c’est que l’alimentation influence nos performances à l’activité physique, mais elle doit être adaptée de manière à la fois globale et spécifique selon le type d’activité et son intensité notamment. Un aliment à lui seul ne peut faire toute la différence.

Même si des études semblent prometteuses sur l’utilisation de la betterave à titre de supplément, les possibles hausses de performances ne sont que de 0 à 2 ou 3% chez les sportifs amateurs.

Alors, on laisse tomber la betterave ? Oh que non !

La betterave est un excellent légume comme ses congénères et a sa place dans notre assiette, dans les salades, les potages, l’hummus, les pâtes, les muffins, etc. À noter toutefois que votre muffin contenant un petit peu de betteraves, ou même votre hummus ou potage de betteraves ne vous permettront pas à eux seuls de performer de façon exceptionnelle dans vos entraînements haute intensité. Dans ces contextes, la quantité de nitrates y est difficile à estimer.

Quoi qu’il en soit, que son effet ergogénique sur les performances sportives soit véridique, fort ou absent et même si on ne compte pas l’utiliser pour « booster nos performances », savourons la betterave pour son goût à la fois sucré et acidulé, apprécions sa belle couleur et assimilons tous ses bons nutriments, antioxydants et polyphénols adorés par nos bactéries !

Médiagraphie

Académie Culinaire. INAF. (2017). L’encyclopédie des aliments. Québec Amérique.

L’encyclopédie visuelle des aliments

AIS Sport. (2021). « AIS Sport Supplement Framework ; Dietary nitrate / Beetroot Juice”. https://www.ais.gov.au/__data/assets/pdf_file/0013/1000552/36194_Sport-supplement-fact-sheets-Beetroot-Juice-Nitrate-v3.pdf

Bélanger, M. et al., (2015). La nutrition. Chenelière Éducation.

Bescós, R., Ferrer-Roca, V., Galilea, P. A., Roig, A., Drobnic, F., Sureda, A., Martorell, M., Cordova, A., Tur, J. A., & Pons, A. (2012). “Sodium nitrate Supplementation Does Not Enhance Performance of Endurance Athletes”. Medicine and science in sports and exercise, 44(12), 2400–2409.

Bescós, R., Sureda, A., Tur, J. A., & Pons, A. (2012). « The Effect of Nitric-oxide-related Supplements on Human Performance”. Sports medicine (Auckland, N.Z.), 42(2), 99–117.

Desgroseilliers, J. (2020). La jungle alimentaire ; Comment s’y retrouver. Les Éditions La Presse.

Gao, C., Gupta, S., Adli, T., Hou, W., Coolsaet, R., Hayes, A., Kim, K., Pandey, A., Gordon, J., Chahil, G., Belley-Cote, E. P., & Whitlock, R. P. (2021). “The Effects of Dietary Nitrate Supplementation on Endurance Exercise Performance and Cardiorespiratory Measures in Healthy Adults: a Systematic Review and Meta-analysis. Journal of the International Society of Sports Nutrition18(1), 55.

Hlinsky, T. Kumstat, M. Vajda, Petr. (2020), “Effects of Dietary Nitrate on Time Trial Performance in Athletes with Differents Training Status: Systematic Review”. Article in Nutrients MDPI. https://www.researchgate.net/publication/344164967_Effects_of_Dietary_Nitrates_on_Time_Trial_Performance_in_Athletes_with_Different_Training_Status_Systematic_Review

Malik, T. F., & Aurelio, D. M. (2023). « Extraintestinal Manifestations of Inflammatory Bowel Disease”. In StatPearls. StatPearls Publishing.

Senefeld, J. W., Wiggins, C. C., Regimbal, R. J., Dominelli, P. B., Baker, S. E., & Joyner, M. J. (2020). “Ergogenic Effect of Nitrate Supplementation: A Systematic Review and Meta-analysis”. Medicine and science in sports and exercise, 52(10), 2250–2261.

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