Pour fin de lecture, les chiffres entre parenthèses réfèrent aux numéros des références annexées au présent document.
Tout le monde sait que les fibres c’est « bon pour la santé ». Par contre, saviez-vous que la majorité des gens ne comblent pas leurs besoins quotidiennement. Selon les données recueillies en 2004 lors de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, les femmes consommaient entre 15,5 et 17,5 g par jour et les hommes entre 18 et 21 g de fibres (7) alors que les recommandations sont respectivement de 25 g pour les femmes et 38 g pour les hommes adultes (12).
De plus, saviez-vous que toutes les fibres n’ont pas les mêmes rôles et fonctions?
Cette lecture vous aidera à bien comprendre leurs implications sur la santé globale, leurs caractéristiques et leurs utilisations en nutrition clinique!
Définition et sources alimentaires
Les fibres sont définies comme des polymères des glucides qui ne sont ni digérés ni absorbés et elles sont soumises à la fermentation par les bactéries dans le tractus gastro-intestinal (5, 6). Elles ont un impact sur la composition des bactéries du microbiote et ses activités métaboliques (6).
Voici les principales sources de fibres alimentaires (11) :
- Légumes
- Fruits
- Légumineuses : ex. pois chiches, haricots, lentilles
- Noix et graines : ex. amandes, noix de Grenoble, graines de tournesol et de citrouille
- Graines de lin et de chia
- Produits à grains entiers : céréales et pains à grains entiers, riz brun, orge mondé, avoine entière, sarrasin
Plusieurs bienfaits
La consommation de fibres est recommandée pour plusieurs raisons. Au sein de multiples études observationnelles, les apports en fibres ont été associés à une réduction du risque et du taux de mortalité pour plusieurs conditions de santé telles que; les maladies cardiovasculaires, l’obésité, le diabète et les maladies du côlon comme les cancers colorectaux et les diverticulites (4, 5, 8). Par exemple, les fibres de l’avoine (ß-glucane) ont pour effet de réduire le cholestérol sanguin et d’améliorer le contrôle de la glycémie (taux de sucre dans le sang) (5, 8). Du côté intestinal, les fibres favorisent la motilité et la régularité intestinales ainsi qu’un microbiote « sain » (8, 9).
Bienfaits sur la santé attribués aux fibres (8):
↓ des niveaux de glucose sanguin (glycémie)
↓ des niveaux de glucose et d’insuline post-prandiaux (après les repas)
↓ des niveaux de cholestérol total et LDL (« mauvais cholestérol »)
↓ de la tension artérielle
↓ de l’apport énergétique en augmentant la satiété
↓ du temps de transit intestinal
↑ de l’absorption des minéraux à l’intestin
La recommandation quotidienne chez l’adulte varie en fonction du sexe (12)
Sexe | Âge | Recommandations de fibres par jour |
Hommes | 19-50 ans 51 ans et plus |
38 g 30 g |
Femmes | 19-50 ans 51 ans et plus |
25 g 21 g |
Les recommandations entre 25 et 30 g de fibres par jour, sont basées principalement sur leur effet sur la régularité intestinale et la santé cardiovasculaire (8). Par contre, ces avis sont remis en question dans différents articles scientifiques (8). En effet, pour aller au maximum de leurs bienfaits, certains auteurs et organisations prônent la recommandation de 50 g par jour (5, 8). Par exemple, des auteurs mentionnent que cette quantité est nécessaire pour supporter la santé du côlon et éliminer les biomarqueurs de risque de cancers colorectaux (5,8).
Vous êtes curieux de savoir si vous consommez assez de fibres : ce calculateur de fibres peut vous aider.
Effet sur le microbiote
En plus des nombreux bienfaits mentionnés ci-dessus, les fibres jouent un rôle bénéfique sur la santé du microbiote intestinal. En effet, les fibres sont des substrats (nourriture) du microbiote qui favorisent la production d’acides gras à chaîne courte (AGCC) (3, 10). Une alimentation riche en fibres a été associée à une augmentation de la production d’AGCC dans l’intestin et à une augmentation des bactéries « bénéfiques » comme les Lactobacillus et Bifidobacteria (2, 3). Les AGCC regroupent l’acétate, le propionate et le butyrate. Ils ont un effet important sur le microbiote intestinal étant donné qu’entre 90 à 99% des AGCC sont absorbés dans l’intestin ou utilisés par le microbiote (6).
Exemples de rôles des acides gras à chaîne courte (AGCC) (5, 6, 8):
- Source d’énergie pour les colonocytes (cellules épithéliales du côlon) et les entérocytes (cellules épithéliales de l’intestin)
- Impact sur l’intégrité (qualité) des cellules épithéliales gastro-intestinales
- Amélioration de la production et de la sécrétion de mucus
- Implication dans l’homéostasie (maintien et stabilité) du glucose (taux de sucre dans le sang)
- Implication dans le métabolisme des lipides (gras)
- Effet sur la régulation de l’appétit
- Implication dans la fonction immunitaire
- Effet anti-inflammatoire
L’impact des fibres sur le microbiote est bien réel et même rapide (6). Des changements sur la diversité bactérienne et les produits de fermentation ont été démontrés en seulement 24 heures chez des humains passant d’un régime riche en fibres (> 30 g) à un régime à base de viande dépourvu de fibres (6).
De plus, certaines fibres sont classées comme des prébiotiques tels que; le fructane et l’inuline (6, 8). Ce ne sont pas toutes les fibres qui sont des prébiotiques, mais la majorité des prébiotiques sont des fibres alimentaires (6). Les prébiotiques sont définis comme des ingrédients fermentés qui entraînent des changements spécifiques dans la composition et/ou l’activité du microbiote intestinal, conférant ainsi des bénéfices à la santé de l’hôte (5, 6). Dans une revue systématique et méta-analyse de 64 études contrôlées randomisées chez l’humain, il a été observé que les fibres, particulièrement les fructanes et les galacto-oligosaccharides (GOS) et autres fibres prébiotiques, ont augmenté l’abondance des Bifidobacterium et Lactobacillus, deux bactéries « bénéfiques » (5).
Bien que le microbiote puisse être influencé par la consommation de fibres et de prébiotiques, des effets différents entre les individus sont observés (6). L’individualisation des recommandations est essentielle étant donné que chaque microbiote est unique!
Caractéristiques des fibres
Évidemment, selon les différentes sources alimentaires, les fibres varient selon leurs compositions chimiques et leurs propriétés physicochimiques telles que; la solubilité, la viscosité et la fermentescibilité (6).
Solubilité
La solubilité réfère à la mesure dans laquelle les fibres peuvent se dissoudre dans l’eau (5). On distingue deux types de fibres dans l’alimentation : solubles et insolubles.
→Fibres solubles : se mélangent à l’eau, créant une substance semblable à un gel, qui est digérée par les bactéries et améliore la viscosité (texture) des selles (3, 9)
→Fibres insolubles : réduisent le temps du transit intestin, stimulent la contractilité et augmentent le volume des selles (3, 5, 6, 9)
Sources alimentaires des fibres solubles et insolubles
Viscosité
La viscosité est le degré de résistance à l’écoulement, c’est-à-dire la capacité d’une fibre, lorsqu’elle est hydratée, à s’épaissir en fonction de la concentration (5). Par exemple, les pectines ont la capacité de former des réseaux de gel (5) et sont souvent utilisées dans des recettes comme la confiture. Il est suggéré que l’augmentation de la viscosité luminale de l’intestin aurait de multiples avantages pour la santé (5). En effet, la consommation de fibres alimentaires visqueuses modifie le temps de transit dans la partie supérieure de l’intestin, notamment en diminuant le taux de vidange gastrique et en modulant le transit de l’intestin grêle (5). Cette augmentation de la viscosité luminale joue un rôle dans les effets bénéfiques des fibres qui sont mentionnés ci-haut, notamment en retardant la digestion, en diminuant la glycémie et l’absorption du cholestérol ainsi qu’en augmentant la satiété (5).
Fermentescibilité
Les fibres peuvent être fermentescibles ou non et leur degré varie d’une source alimentaire à l’autre (5). La vitesse à laquelle les fibres fermentent varie d’un type de fibres à l’autre. C’est cette fermentation qui est souvent pointée du doigt lors d’inconforts gastro-intestinaux tels que; les gaz et ballonnements. Ce concept réfère aussi à l’approche FODMAP visant à réduire les aliments fermentescibles pour favoriser une gestion des symptômes gastro-intestinaux (3, 5). Pour en savoir plus sur cette approche, voir l’article de blogue Syndrome de l’intestin irritable : Au-delà des FODMAP quelles sont les différentes pistes d’intervention!
Adapté de Gill et al. (2021) (5)
Adapté de Gill et al. (2021) (5)
Maladies intestinales et fibres
Syndrome de l’intestin irritable (SII), souvent appelé côlon irritable
Comme mentionné précédemment, les types de fibres n’ont pas tous les mêmes effets sur les intestins. L’ajustement du choix, leur répartition et leur quantité sont établis en fonction des symptômes rapportés. Le blogue Syndrome de l’intestin irritable : Au-delà des FODMAP quelles sont les différentes pistes d’intervention! décrit très bien tous les éléments du SII.
Les fibres insolubles sont généralement plus fermentescibles et peuvent davantage contribuer aux inconforts digestifs dans un contexte de SII comme les ballonnements et les douleurs abdominales (3, 5). De leur côté, les fibres solubles sont davantage associées à des bienfaits pour le soulagement des symptômes de SII en diminuant les gonflements, les flatulences et la distension abdominale (1, 3, 4). Par exemple, le psyllium a des effets bénéfiques sur les symptômes globaux du SII (1, 3, 4). Plusieurs publications recommandent la consommation de 2 cuillères à table (30 ml) par jour de graines de lin moulues pour aider à gérer les symptômes intestinaux lors du SII (4). De plus, les fibres sont nécessaires lors de la présence de constipation en augmentant le volume et la fréquence des selles (5). Pour aller plus loin lors de la présence de diarrhées, voir le Blogue Les diarrhées quotidiennes, quelles sont les solutions aidantes?
Maladies inflammatoires de l’intestin (MII) : maladie de Crohn, colite ulcéreuse
Les études rapportent que les gens ayant une maladie inflammatoire de l’intestin (MII) dont la maladie de Crohn ou la colite ulcéreuse consomment moins de fibres que la population générale (8). Cela peut être attribuable, entre autres, à certaines recommandations médicales de réduire l’apport en fibres (8). Par contre, la littérature scientifique est encore mitigée sur les bienfaits cliniques des fibres lors de MII (5). Certains mécanismes envisagés expliquant des bénéfices potentiels seraient les AGCC qui peuvent atténuer l’inflammation intestinale (5). Ainsi, selon les études actuelles, les fibres ne sont pas nécessaires à restreindre lors de MII, à moins de risque d’obstruction possible à l’intestin (5). La tolérance des fibres peut évidemment varier entre les phases active et de rémission de la maladie (5). Ainsi, une nutritionniste peut vous aider à bien gérer vos apports en fibres selon l’activité de votre maladie.
Diverticulite
Dans plusieurs études prospectives (sujets suivis dans le temps), le risque de diverticulite était réduit lors de l’augmentation des fibres consommées (5). À l’inverse, des études prospectives ont constaté une augmentation du risque de diverticulite lors d’une faible consommation de fibres (5). Les explications possibles que les fibres réduisent les risques de diverticulite sont l’augmentation du volume des selles, une diminution de la pression colique et une réduction des hernies (5). La consommation visée semble être entre 20 et 30 g par jour, mais d’autres études sont nécessaires pour confirmer le tout (5). La restriction en fibres semble être nécessaire à très court terme lors de la diverticulite « active », mais cela reste encore « en débat » pour la science (5).
Et les suppléments?
Différentes études ont constaté une amélioration globale des symptômes intestinaux lors de la prise de supplément de fibres (9). Les bienfaits observés étaient significatifs lors de la consommation de psyllium (vs groupe témoin) (1,9). De son côté, un supplément de blé n’a pas démontré d’effet significatif sur les symptômes intestinaux (1,9). Selon vos symptômes et vos habitudes alimentaires, des suppléments de fibres peuvent être envisagés (ex. psyllium, gomme de guar partiellement hydrolysée, graines de lin moulues). Pour aller plus loin sur les différentes utilisations de certains suppléments de fibres, cette formation peut vous intéresser.
Pour conclure, les fibres ont plusieurs bienfaits sur la santé globale, en particulier la santé intestinale! Leur consommation est essentielle. En espérant vous avoir convaincus d’en manger un peu plus via une alimentation colorée et diversifiée.
Références
(1) American Gastroenterological Association (AGA) Chey WD, Hashash JG, Manning L, Chang L. AGA Clinical Practice Update on the Role of Diet in Irritable Bowel Syndrome: Expert Review. Gastroenterology. 2022 May;162(6):1737-1745.e5. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35337654/
(2) Beam A, Clinger E, Hao L. Effect of Diet and Dietary Components on the Composition of the Gut Microbiota. Nutrients. 2021 Aug 15;13(8):2795. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34444955/
(3) El-Salhy M, Ystad SO, Mazzawi T, Gundersen D. Dietary fiber in irritable bowel syndrome (Review). Int J Mol Med. 2017 Sep;40(3):607-613. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5548066/
(4) Galica AN, Galica R, Dumitrașcu DL. Diet, fibers, and probiotics for irritable bowel syndrome. J Med Life. 2022 Feb;15(2):174-179. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8999090/
(5) **Gill SK, Rossi M, Bajka B, Whelan K. Dietary fibre in gastrointestinal health and disease. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2021 Feb;18(2):101-116. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33208922/
(6) Holscher HD. Dietary fiber and prebiotics and the gastrointestinal microbiota. Gut Microbes. 2017 Mar 4;8(2):172-184. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5390821/
(7) Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), La consommation alimentaire des adultes québécois selon le poids corporel, 2011. https://www.inspq.qc.ca/publications/1364
(8) McKeown NM, Fahey GC Jr, Slavin J, van der Kamp JW. Fibre intake for optimal health: how can healthcare professionals support people to reach dietary recommendations? BMJ. 2022 Jul 20;378:e054370. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35858693/
(9) Patel NV. « Let Food Be Thy Medicine »: Diet and Supplements in Irritable Bowel Syndrome. Clin Exp Gastroenterol. 2021 Sep 22;14:377-384. https://www.niddk.nih.gov/health-information/digestive-diseases/irritable-bowel-syndrome/eating-diet-nutrition
(10) Rinninella E, Tohumcu E, Raoul P, Fiorani M, Cintoni M, Mele MC, Cammarota G, Gasbarrini A, Ianiro G. The role of diet in shaping human gut microbiota. Best Pract Res Clin Gastroenterol. 2023 Feb-Mar;62-63:101828. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37094913/
(11) Santé Canada Les fibres Page consultée en ligne: https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/nutriments/fibres.html
(12) Santé Canda Tableaux des apports nutritionnels de référence : Valeurs de référence relatives aux macronutriments Page consultée en ligne : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/saine-alimentation/apports-nutritionnels-reference/tableaux/valeurs-reference-relatives-macronutriments.html