Pour fin de lecture, les chiffres entre parenthèses réfèrent aux numéros des références annexées au présent document.
Le syndrome de l’intestin irritable (SII), souvent nommé côlon irritable, peut se manifester de plusieurs façons. Les diarrhées en sont une.
En effet, il existe différentes catégories de SII selon les symptômes rapportés (1, 2) :
- SII à prédominance de constipation (SII-C) : plus de 25 % de selles dures et moins de 25 % de selles molles
- SII à prédominance de diarrhée (SII-D) : plus de 25 % de selles molles et moins de 25 % de selles dures
- SII mixte (SII-M) : plus de 25 % de selles molles et plus de 25 % de selles dures
- SII non spécifié (SII-U) : moins de 25 % de selles molles et moins de 25 % de selles dures
Le SII-D est le plus courant, affectant environ 30 à 40 % des patients (2,3). Étant donné que le SII est une maladie d’exclusion, il est important que les différents tests médicaux (ex. radiologie ou endoscopie) aient été effectués pour écarter d’autres maladies intestinales (2). Par exemple, il est essentiel que la maladie cœliaque, considérée comme une « allergie au gluten » soit écartée. Parlez-en à votre médecin!
Pour plus de détails sur tous les types de SII, voir le blogue Syndrome de l’intestin irritable: Au-delà des FODMAP quelles sont les différentes pistes d’intervention!
Les causes potentielles
Toutes les causes du développement d’un SII chez un individu demeurent encore incertaines (2). Plusieurs hypothèses réfèrent à des altérations de la motilité gastro-intestinale, de l’hypersensibilité viscérale, des facteurs environnementaux, des habitudes alimentaires et des altérations du microbiote (dysbiose) (2). La science n’a pas encore établi si ces éléments sont des causes ou des conséquences de la maladie (2). Le fameux concept de l’œuf ou la poule?
Variations génétiques potentielles
Différentes études ont évalué la variation du gène sucrase-isomaltase en tant que mécanisme impliqué dans le SII, en particulier lors des diarrhées. L’altération en sucrase-isomaltase est une affection dans laquelle cet enzyme, qui métabolise le saccharose (un sucre), est déficient. Cela entraîne une accumulation des sucres non digérés dans le côlon, menant à leur fermentation et entraînant la formation des gaz qui contribuent aux douleurs abdominales, aux ballonnements et aux diarrhées osmotiques (2). Intéressant, non?
Le microbiote, ses métabolites et les diarrhées
Comme mentionné précédemment, des altérations du microbiote pourraient être une cause ou une conséquence dans un contexte de SII. En effet, plusieurs études observationnelles rapportent des différences entre certaines familles de bactéries chez des personnes ayant un SII-D comparativement à celles en santé (2). Les plus grandes différences soulevées impliquent les Actinobacteria, les Firmicutes, les Bacteroidetes et les Proteobacteria (2). De plus, le SII est caractérisé par une perturbation de l’intégrité intestinale (leaky gut) (2).
Voir l’article de blogue Perméabilité ou « leaky gut », ce qu’il importe de savoir! pour plus de détails.
Il existe ainsi certaines pistes d’explications entre les altérations de certaines bactéries, leurs métabolites et les symptômes intestinaux (2).
Par exemple, la bactérie Dorea (dans la famille des Firmicutes) a été associée à la production de gaz, aux douleurs abdominales et à l’augmentation de la perméabilité intestinale (2). Les études rapportent des niveaux supérieurs de Dorea chez les sujets ayant un SII-D comparativement à ceux en santé (2). Il est donc possible d’envisager une corrélation potentielle entre les symptômes de SII-D et l’augmentation de l’abondance de Dorea (2).
Un autre exemple implique certaines bactéries opportunistes, c’est-à-dire des bactéries présentes à l’intestin qui peuvent devenir pathogènes. Ces bactéries telles que les Escherichia Coli (E. coli) et les Clostridiales pourraient produire une large quantité de toxines menant à l’activation d’une inflammation intestinale responsable de douleurs abdominales et de diarrhées (2).
Pour poursuivre, on constate également une corrélation entre les selles molles et la diarrhée et des taux plus élevés d’acides biliaires dans le côlon (2). Les acides biliaires, excrétés dans l’intestin grêle via les voies biliaires, jouent un rôle central dans l’absorption des graisses alimentaires et le microbiote est impliqué dans la métabolisation des acides biliaires (2). Un état de dysbiose (déséquilibre du microbiote) altère les fonctions physiologiques des acides biliaires (2). Ainsi, certains patients atteints du SII-D se caractérisent par une malabsorption des acides biliaires et leur accumulation dans le côlon provoque une diarrhée par plusieurs mécanismes (2) :
- Stimulation de la sécrétion de sodium et d’eau
- Induction de la sécrétion de mucus
- Augmentation de la motilité du côlon
- Stimulation de la défécation et/ou endommagement de la muqueuse.
Bien que plusieurs mécanismes restent à valider et à confirmer, il est certain que le microbiote et ses métabolites ont un rôle à jouer dans les symptômes de la diarrhée.
La nutrition a une place importante dans le traitement de ces symptômes. En effet, 84% des gens ayant un SII rapportent que les manifestations semblent être liées aux aliments consommés (2).
Il existe différentes recommandations nutritionnelles pour favoriser la gestion des diarrhées. Survolons quelques-unes d’entre elles.
Les recommandations de base
Différentes recommandations sont mentionnées par des organisations comme la National Institute for Health and Care Excellence (NICE) pour aider à gérer les symptômes de la diarrhée. (2)
- Manger des repas réguliers en portions modérées et ne pas sauter de repas
- Manger lentement
Viser la consommation de 2L d’eau par jour - Avoir des apports modérés en gras (ex. noix, graines, avocat, poissons gras, huiles) et limiter la consommation d’aliments riches en gras ajoutés (ex. friture, panure, sauces grasses, aliments transformés, restauration rapide)
- Limiter la consommation d’aliments épicés, d’alcool, de caféine, d’édulcorants (« faux sucres », ex. saccharine et sucralose), de sucres-alcool (ex. sorbitol) et de fructose
Ces derniers aliments sont considérés comme des « stimulants » du transit. Par exemple, le café peut augmenter la motilité intestinale et réduire le temps de transit intestinal, c’est-à-dire le délai d’acheminement des aliments de l’estomac jusqu’au rectum.
→ Favoriser la consommation d’aliments riches en fibres solubles (ex. avoine, son d’avoine, psyllium, quinoa, patate douce, graines de chia) et limiter la consommation d’aliments riches en fibres insolubles (ex. blé entier)
Les fibres solubles sont à favoriser dans un contexte de diarrhées étant donné qu’elles ont la capacité de former un gel et rendent les selles plus « compactes » et formées (2).
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→ Valider la tolérance au lactose
L’intolérance au lactose peut être une cause des diarrhées. Le lactose non digéré arrive intact au côlon et sera fermenté par le microbiote intestinal, provoquant une distension abdominale et des symptômes comme des diarrhées, du gonflement et de la douleur abdominale (2). La prévalence d’intolérance au lactose semble être significativement supérieure chez les sujets ayant un SII-D que chez les individus en santé, malgré qu’elle ne soit pas toujours associée à de la malabsorption (2).
Les FODMAP
Oui, l’alimentation faible en FODMAP a démontré des bienfaits sur la réduction des symptômes gastro-intestinaux incluant les diarrhées (2).
Pour avoir plus de détails sur cette alimentation voir le blogue Syndrome de l’intestin irritable: Au-delà des FODMAP quelles sont les différentes pistes d’intervention!
Par contre, il est essentiel de rappeler que cette alimentation doit être temporaire puisqu’elle est très restrictive et limitante. L’alimentation faible en FODMAP a également un impact potentiel négatif sur le microbiote en réduisant les apports en aliments prébiotiques! Une référence en nutrition est essentielle pour l’encadrement de l’approche!
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À retenir
Il n’existe pas de recommandation nutritionnelle qui fonctionne pour tous afin de gérer les symptômes de la diarrhée. Avoir une approche personnalisée selon vos symptômes, vos expériences passées et vos conditions de santé est primordiale. Il est essentiel de veiller à conserver une santé optimale du microbiote intestinal!
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Références :
(1) Algera J, Colomier E, Simrén M. The Dietary Management of Patients with Irritable Bowel Syndrome: A Narrative Review of the Existing and Emerging Evidence. Nutrients. 2019 Sep 9;11(9):2162. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31505870/
(2) Altomare A, Di Rosa C, Imperia E, Emerenziani S, Cicala M, Guarino MPL. Diarrhea Predominant-Irritable Bowel Syndrome (IBS-D): Effects of Different Nutritional Patterns on Intestinal Dysbiosis and Symptoms. Nutrients. 2021 Apr 29;13(5):1506. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33946961/
(3) Lembo A, Sultan S, Chang L, Heidelbaugh JJ, Smalley W, Verne GN. AGA Clinical Practice Guideline on the Pharmacological Management of Irritable Bowel Syndrome With Diarrhea. Gastroenterology. 2022 Jul;163(1):137-151. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35738725/