Dans un monde où les régimes alimentaires se multiplient, la diète cétogène (ou kéto) attire de plus en plus d’attention. Mais quels sont ses effets sur le microbiote intestinal et la santé digestive?
Voici une série de blogues qui traitent de trois régimes et de leurs impacts sur le microbiote intestinal. Celui-ci est en lien avec la diète cétogène (kéto).
Les deux autres portent sur les sujets figurant dans les liens suivants :
- Alimentation méditerranéenne (à venir)
- Jeûne
Il est à noter que les raisons d’adhérer à ce type de diètes, comme leurs effets sur le diabète et la perte de poids, ne sont pas traitées dans ces blogues. Par contre, une conférence médicale sur le sujet est disponible. Contactez-nous si cela vous intéresse.
Qu’est-ce que la diète cétogène (kéto) ?
Définition : Régime pauvre en glucides et riche en lipides (low carb, high fat) (3)(7). L’efficacité du régime cétogène est documentée depuis plusieurs années pour l’épilepsie réfractaire.
Objectif : Créer des corps cétoniques utilisés comme source d’énergie à partir des acides gras (11).
Proportions alimentaires : Jusqu’à 60 % des calories proviennent des lipides ou des matières grasses, avec un apport en glucides entre 20 et 50 g par jour (3)(7)(11).
Voici un bref aperçu des aliments ciblés dans cette diète
Aliments à favoriser
- Matières grasses : beurre, huiles, crème
- Olives, avocat
- Viande rouge et charcuteries, volaille, poisson et fruits de mer, œufs
- Noix, graines, beurre de noix
- Légumes et fruits faibles en glucides (ex. légumes verts, poivrons, petits fruits)
Aliments à éviter
- Féculents et grains : riz, pain, pâtes, quinoa, craquelins
- Lait, yogourt
- Légumineuses
- Sucres ajoutés : biscuits, desserts, pâtisseries
- Légumes-racines et fruits riches en glucides (ex. carotte, courge, banane)
Risques possibles de la diète cétogène
L’adhésion à la diète cétogène comporte certains risques et effets secondaires pour la santé intestinale et globale, notamment (2)(3)(4)(5)(6)(7)(9)(11) :
- Troubles digestifs : constipation, diarrhée (keto flu), ballonnements, nausées, vomissements, gastrite;
- Fatigue, maux de tête, crampes musculaires;
- Hépatite, pancréatite;
- Augmentation de l’acide urique sérique (goutte), désordres des électrolytes comme hyponatrémie ou hypomagnésémie;
- Hypoglycémie, hypotension, changement de l’haleine, déshydratation;
- Effets potentiels à long terme sur les reins, le cœur, les os;
- Carences nutritionnelles : Vitamines A, B, C, D, E, minéraux Ca, Fe, K, Mg et fibres
Contre-indications de la diète cétogène
Il existe également certaines contre-indications à suivre la diète cétogène. En voici quelques-unes (3)(5)(7) :
Contre-indications absolues
- Déficit en carnitine palmitoyltransférase I ou II
- Déficit en carnitine translocase
- Défauts de la bêta-oxydation des acides gras
- Déficit en 3-hydroxyacyl-CoA à chaîne longue
- Aciduries organiques
- Porphyrie
Contre-indications possibles
- Cancer
- Diabète
- Troubles de conduites alimentaires (TCA)
- Hypercholestérolémie familiale
- Reflux gastro-œsophagien (RGO)
- Goutte, lithiases (pierres) rénales
- Enfants, femmes enceintes
Impact de la diète cétogène sur le microbiote intestinal
La littérature scientifique pointe plusieurs effets négatifs de la diète cétogène sur le microbiote intestinal :
Réduction de l’abondance totale de bactéries et de leur diversité : Un microbiote riche et diversifié est associé à une bonne santé digestive (4)(9)(10)(11).
Diminution des bactéries bénéfiques : Bifidobacteria, Firmicutes, Lactobacillus, et Faecalibacterium prausnitzii, qui soutiennent la santé intestinale et globale (1)(4)(8)(9)(10)(11).
Réduction des acides gras à chaîne courte (AGCC) totaux fécaux : Ces composés bénéfiques pour la santé intestinale, produits par la fermentation des fibres (8)(9).
Différents mécanismes possibles
Pourquoi la diète cétogène a-t-elle un tel effet négatif sur le microbiote ?
Réduction des glucides
La baisse de la consommation de fibres alimentaires (présentes dans les féculents, les fruits et les légumes qui sont à réduire/éviter dans le régime cétogène) limite la fermentation par les bactéries intestinale (8)(9). En fermentant moins les fibres, les « bonnes » bactéries sont moins présentes (ex. Bifidobacteria, Firmicutes) et produisent ainsi « moins » de molécules bénéfiques comme les AGCC (1)(4)(8)(9)(10)(11).
Augmentation des bactéries potentiellement nuisibles
Une prolifération de bactéries potentiellement nuisibles comme Bacteroidetes et Alistipes est souvent observée (1)(4)(9)(10).
Conséquences sur la perméabilité intestinale
Une réduction des AGCC a un effet potentiel de détérioration de la barrière du mucus intestinal, rendant la barrière intestinale plus « perméable » (8)(10). Une perméabilité intestinale accrue est associée à des troubles digestifs et une inflammation chronique.
Limites des recherches actuelles
Manque d’études humaines
Les recherches se basent principalement sur des études à petite échelle, souvent de courte durée (8).
Adhérence difficile à long terme
La diète cétogène est difficile à suivre à long terme, notamment en raison des événements sociaux et des repas en famille (4).
Hétérogénéité des études
Les impacts de la diète peuvent varier d’un individu à l’autre selon son profil bactérien initial (8). Plusieurs facteurs influencent le microbiote (ex. alimentation, environnement, âge, maladies) et certaines études ne les ont pas tous considérés (8).
Vers de nouvelles recherches
Des études supplémentaires à plus long terme chez des humains sont nécessaires pour comprendre l’impact de la diète cétogène sur différentes conditions comme le syndrome de l’intestin irritable (SII), les maladies inflammatoires de l’intestin (MII) et problèmes de santé mentale (ex. dépression).
En conclusion
- La diète cétogène semble avoir des effets plus néfastes sur le microbiote intestinal, réduisant la diversité et la richesse bactérienne, avec des risques pour la santé digestive.
- Avant d’adopter ce régime, il est essentiel de consulter un professionnel de la santé pour évaluer les risques et déterminer s’il convient à vos besoins spécifiques, notamment en cas de troubles digestifs et d’inconforts intestinaux comme les reflux gastro-œsophagien (RGO).
Références
(1) Borrego-Ruiz et Borrego (2024) Human gut microbiome, diet, and mental disorders. Int Microbiol Apr 1. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38561477/
(2) Dyńka et al. (2023) Effect of the Ketogenic Diet on the Prophylaxis and Treatment of Diabetes Mellitus: A Review of the Meta-Analyses and Clinical Trials. Nutrients Jan 18;15(3):500. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36771207/
(3) Hull et al. (2019) Evidence-based Keto Your no-hype guide to the ketogenic diet. Examine.
(4) Mohammadifard et al. (2022) The Effect of Ketogenic Diet on Shared Risk Factors of Cardiovascular Disease and Cancer. Nutrients Aug 25;14(17):3499. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36079756/
(5) Muscogiuri et al. (2021) Obesity Management Task Force (OMTF) of the European Association for the Study of Obesity (EASO). European Guidelines for Obesity Management in Adults with a Very Low-Calorie Ketogenic Diet: A Systematic Review and Meta-Analysis. Obes Facts 14( 2 ):222-245. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33882506/
(6) Nuwaylati et al. (2022) Low-Carbohydrate High-Fat Diet: A SWOC Analysis. Metabolites Nov 17;12(11):1126. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36422267/
(7) Patel (2019) Ketogenic diet. Examine.
(8) Rew et al. (2022) The ketogenic diet: its impact on human gut microbiota and potential consequent health outcomes: a systematic literature review. Gastroenterol Hepatol Bed Bench 15( 4 ):326-342. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36762214/
(9) Rinninella et al. (2019) Food Components and Dietary Habits: Keys for a Healthy Gut Microbiota Composition. Nutrients Oct 7;11(10):2393. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31591348/
(10) Rinninella et al. (2023) The role of diet in shaping human gut microbiota. Best Pract Res Clin Gastroenterol Feb-Mar;62-63:101828. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37094913/
(11) Santangelo et al. (2023) The Influence of Ketogenic Diet on Gut Microbiota: Potential Benefits, Risks and Indications. Nutrients Aug 22;15(17):3680. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37686712/