Dans un monde où les régimes alimentaires se multiplient, le jeûne intermittent suscite un intérêt croissant. Mais que dit la science sur son impact sur le microbiote intestinal et la santé digestive ?

Voici une série de blogues qui traitent de trois régimes et de leurs impacts sur le microbiote intestinal. Celui-ci est en lien avec le jeûne.

Les deux autres portent sur les sujets figurant dans les liens suivants :

  • Diète cétogène (à venir)
  • Alimentation méditerranéenne (à venir)

Il est à noter que les raisons d’adhérer à ce type de diètes, comme leurs effets sur le diabète et la perte de poids, ne sont pas traitées dans ces blogues. Par contre, une conférence médicale sur le sujet est disponible. Contactez-nous si cela vous intéresse.

Définition : qu’est-ce que le jeûne intermittent ?

Le jeûne intermittent (JI) est une méthode populaire qui consiste à alterner des périodes de jeûne et d’alimentation (3)(11). Il existe plusieurs variantes (3)(10)(11) :

  • Alternatif: alternance entre des jours d’alimentation régulière et des jours de jeûne complet qui durent de 24 à 36 heures ;
  • Modifié: alternance entre des jours d’alimentation régulière et des jours de jeûne où la consommation représente seulement 20 à 25% de son apport énergétique habituel (exemple le 5:2);
  • Limité dans le temps : prise alimentaire pendant une période donnée (exemple de 16 à 20 h de jeûne et 4 à 8 h d’alimentation). Ce type est généralement plus facile à suivre par la majorité des gens et on rapporte moins d’effets secondaires.

Risques possibles du jeûne

Comme tous les régimes alimentaires, adhérer au jeûne comporte certains risques et effets secondaires possibles. Voici une liste de quelques-uns d’entre eux (3)(5)(6)(11) :

  • Carences nutritionnelles : le fait de manger moins souvent peut influencer la consommation de vitamines, de minéraux et de fibres;
  • Effet de surcompensation lors des journées d’alimentation régulière;
  • Maux de tête, étourdissements;
  • Constipation et autres inconforts intestinaux;
  • Irritabilité, réduction de l’énergie, fatigue;
  • Hypotension orthostatique, arythmie cardiaque;
  • Irrégularités menstruelles;
  • Aggravation des ulcères d’estomac.

Contre-indications du jeûne

Il existe également des contre-indications à faire le jeûne. En voici quelques-unes (1)(3)(11):

  • Gens à risque de malnutrition, de faible poids;
  • Enfants, adolescents, personnes âgées;
  • Grossesse, allaitement ;
  • Troubles de conduites alimentaires (ex. anorexie, boulimie, accès hyperphagique);
  • Insuffisance hépatique ou rénale;
  • Hypoglycémies fréquentes.

Que dit la science pour le microbiote ?

Le microbiote est influencé par la prise alimentaire (donc oui le choix des aliments), mais aussi par la période de prise alimentaire (donc oui la durée, la routine et la fréquence des repas) (4)(7)(8)(12)! Le jeûne intermittent crée une « pause intestinale » qui semble avoir certains avantages sur le microbiote intestinal (4)(12).

Dans la majorité des études chez des sujets en santé, des bienfaits sont rapportés sur (2)(4)(7)(8)(9)(10)(12):

  • La diversité et la richesse des bactéries du microbiote (rappel : microbiote sain = diversifié et équilibré);
  • La fonction de la barrière intestinale (on veut qu’elle ne laisse passer que les bons nutriments);
  • La réponse immunitaire et inflammatoire;
  • La production d’acides gras à chaîne courte (AGCC) qui sont des composés bénéfiques pour la santé intestinale.

Ces bienfaits ont été observés lors d’un jeûne de moins de 2 jours (4). On ne connaît pas encore l’impact sur le microbiote en contexte de jeûne prolongé (soit plus de 2 jours) (4).

Différents mécanismes possibles

La science explore toujours les mécanismes expliquant les impacts d’un changement alimentaire sur le microbiote. Une hypothèse est le changement dans le cycle circadien (rythme biologique d’un cycle d’environ 24 heures) qui influence la composition du microbiote et ses métabolites (9).

Si le sujet de l’impact des quarts de travail vous intéresse, lisez cet article Bien manger quand on travaille de nuit, c’est possible?

De plus, pendant le jeûne, l’augmentation du pH intestinal modifie la production de mucus et peut affecter l’écosystème du microbiote (9). Les bienfaits observés du jeûne pourraient aussi être dus à l’augmentation de la production des AGCC (9).

Limites de la science actuelle

La littérature scientifique sur le jeûne intermittent et le microbiote n’est pas parfaite. Il y a peu d’études chez l’humain (c’est surtout chez les animaux), souvent avec des cohortes de petite taille (ex. entre 9 et 80 sujets) et de courte durée (ex. entre 7 jours et 22 semaines) (4)(7)(9)(10)(12). De plus, plusieurs études manquent de groupes témoins, ce qui réduit leur fiabilité (7).

Un défi majeur est de distinguer l’effet du jeûne intermittent de la perte de poids qui est souvent présente chez les sujets (4)(12)! Les choix alimentaires durant la période d’alimentation influencent également les résultats (7).

L’hétérogénéité des études complique l’interprétation des résultats, car les impacts peuvent varier d’un individu à l’autre selon son profil bactérien initial. Plusieurs facteurs influencent le microbiote (ex. alimentation, environnement, âge, ethnicité) et certaines études ne les ont pas tous considérés (7)(8)(10).

Des études à plus long terme chez des humains en santé, mais aussi avec différentes conditions comme le syndrome de l’intestin irritable (SII), pourraient fournir des réponses plus claires dans les prochaines années.

En conclusion

En somme, le jeûne pourrait apporter des bienfaits intéressants pour le microbiote intestinal, mais les recherches sont encore préliminaires. Avant d’adopter ce régime, il est crucial de consulter une nutritionniste pour s’assurer qu’il convient à votre situation personnelle et de maximiser les avantages tout en minimisant les risques de troubles digestifs ou d’autres complications liées à des intolérances alimentaires.

Références

(1) Albosta et Bakke (2021) Intermittent fasting: is there a role in the treatment of diabetes? A review of the literature and guide for primary care physicians. Clin Diabetes Endocrinol Feb 3;7( 1 ):3. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33531076/

(2) Cadena-Ullauri et al. (2024) The effect of intermittent fasting on microbiota as a therapeutic approach in obesity. Front Nutr Apr 25;11:1393292. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38725575/

(3) Harris et al. (2018) Intermittent fasting interventions for treatment of overweight and obesity in adults: a systematic review and meta-analysis. JBI Database System Rev Implement Rep 16;2, 507-547. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29419624/

(4) Mohr et al. (2021) Recent advances and health implications of dietary fasting regimens on the gut microbiome. Am J Physiol Gastrointest Liver Physiol May 1;320( 5 ):G847-G863. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33729005/

(5) Morales-Suarez-Varela et al. (2021) Intermittent Fasting and the Possible Benefits in Obesity, Diabetes, and Multiple Sclerosis: A Systematic Review of Randomized Clinical Trials. Nutrients Sep 13;13( 9 ):3179. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34579056/

(6) Ojo et al. (2022) Role of Intermittent Fasting in the Management of Prediabetes and Type 2 Diabetes Mellitus. Cureus Sep 5;14( 9 ):e28800. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36225474/

(7) Paukkonen et al. (2024) The impact of intermittent fasting on gut microbiota: a systematic review of human studies. Front Nutr Feb 12;11:1342787. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38410639/

(8) Popa et al. (2023) A Scoping Review of the Relationship between Intermittent Fasting and the Human Gut Microbiota: Current Knowledge and Future Directions. Nutrients Apr 26;15( 9 ):2095. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37432222/

(9) Pramono et al. (2024) Intermittent fasting modulates human gut microbiota diversity in a phenotype-dependent manner: a systematic review. Biosci Microbiota Food Health 43( 3 ):170-182. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38966051/

(10) Purdel et al. (2023) The Beneficial Effects of Dietary Interventions on Gut Microbiota-An Up-to-Date Critical Review and Future Perspectives. Nutrients Dec 3;15(23):5005. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38068863/

(11) Sutton et al. (2018) Early Time-Restricted Feeding Improves Insulin Sensitivity, Blood Pressure, and Oxidative Stress Even Without Weight Loss in Men with Prediabetes. Cell Metab 5;27, 1212-1221. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29754952/

(12) Zeb et al. (2023) Gut Microbiota and Time-Restricted Feeding/Eating: A Targeted Biomarker and Approach in Precision Nutrition. Nutrients Jan 4;15( 2 ):259. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36678130/

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